Saint Kirutor
Par Lancelot
C’était il y a très longtemps, quand les Gorlaks n’avaient encore ni maison, ni territoire. Il s’en allaient, de saison en saison, d’une forêt à une montagne, d’une colline a une rivière, de pillage en pillage… Ils marchaient sur la route que leur indiquaient les étoiles et les vents. Puis un matin, la tribu reprit la route comme si dans la nuit, quelqu’un leur avait promis une terre ainsi que d’autres joies. Ils vagabondèrent quelques jours et s’installèrent au bord d’une mer, entre deux denses forêts et une montagne : Ils avaient enfin un royaume. Ils prospérèrent ainsi plusieurs années, fortifiant leurs habitations et leur territoire.
Mais vint le jour où un dragon s’installa dans une vaste caverne, sur les terres de ce peuple à présent sédentaire. Celui-ci ne fit pas de bruit durant de longues années, puis il se mit soudainement à exiger des Gorlaks qu’on lui livre chaque année, pour partager son ennui et de sa solitude, une femelle de son choix, une femelle avec laquelle il s’amuserait et qu’il démembrerait, tôt ou tard. Si la jeune fille ne venait par vers lui, il menaçait de répandre partout le feu, d’incendier les maisons et ceux qui y vivaient, puisque de sa gueule jaillissait des flammes.
Furieux d’une telle exigence, les guerriers s’armèrent et se dirigèrent vers la caverne, leurs pensées n’étaient dirigées que dans unique sens : Occire ce dragon ! Hélas, la bête était puissante, et les guerriers furent presque tous tués…
Privés de leurs mâles, les femelles restantes avec leurs enfants ne purent que se soumettre à la volonté de cette entité vivante. Il en fut donc ainsi pendant plusieurs siècles ; chaque année une femelle était livrée au dragon. La cruel reptile, lui, coulait des jours paisibles puisque plus personne n’osait s’attaquer à lui, et puis, finalement… Une femelle par année… Ce n’est pas un si lourd tribu… !
Il arriva pourtant un jour où la situation se compliqua : Le dragon vint réclamer la fille du roi Gorlak. Hors, il se trouvait que ce roi était vieux et qu’il n’avait jamais réussi à avoir de descendants de son sexe. Le vieux sage du village, qui savait lire dans les ossements, lui affirma que le seul moyen qui s’offrait a lui pour avoir un héritier mâle était d’engrosser sa plus jeune fille, la fille que réclamait la bête… Terrible dilemme ! Offrir sa fille et la vouer a une mort certaine tout en perdant la seule chance d’avoir un héritier mâle ; ou combattre la créature et peut être réduire le village en cendre, avec ses habitants… ?
Le roi allait devoir courber l’échine, et livrer sa fille… Au moment où les guerriers du village s’apprêtèrent à conduire la princesse à la lisière de la forêt, là ou s’ouvrait le sentier quci conduisait au repaire du dragon, on vit arriver un jeune inconnu monté sur un magnifique destrier noir, armé de toute pièce. Il était grand, massif, il semblait plein de sauvagerie et d’ose. Il arriva avec assurance devers le roi Gorlak et proposa d’accompagner la jeune fille vers la montagne, et par la même occasion, de se mesurer au dragon.
Quel fol, songea le roi ! Toute fois, dans l’espoir que la ville serait à jamais délivrée de la menace qui pesait sur elle, il autorisa le jeune guerrier à être le compagnon de la jeune femme, et de la mener vers l’autel… Non pas celui du mariage, mais celui du sacrifice…
Ils cheminèrent donc ensembles, et revinrent, contre toute attente, le soir même. Le guerrier providentiel qui se nommait Kirutor était tout croûteux de sang séché, et navré de toute part. Dans la bataille, il avait même perdu un bras… Et quand il se présenta devers le roi avec la princesse, il s’écroula, vidé de son sang...
Quel héros ! Ce Gorlak qui était maintenant mort n’était en réalité que l’instrument de Narsoul, l’archange de Narshoul envoyé sur Teillia pour sauver ses fils, ses créations ; prétendaient les chamans. Décidés a ne pas laisser pourrir le corps de ce saint, ils le firent bouillir, récupérèrent les os qu’ils entreposèrent ensuite dans le temple, afin que même les générations qui suivent se souviennent de lui.
Hélas, certains chamans, avides de pouvoir, s’emparèrent des ossements en profitant du désordre que causaient les guerres intestines… Si bien que tous ignorent maintenant où ils peuvent bien se trouver… Toute fois, certains disent qu’une phalange serait emprisonnée dans le pommeau de l’épée de Fratricide…
Depuis ce jour, en plus de meurtrir au nom de Narshoul, les Gorlaks hurlent aussi le nom de Saint Kirutor lors des batailles, l’archange du Très Haut, le patron des guerriers…