LA NAISSANCE DU GORLAK SANS NOM OU LE CHÂTIMENT DU SOMBRE.
"De l'histoire de sa naissance, les récits ne manquent pas et parfois se contredisent car elle remonte à longtemps et plusieurs fois des nations voulurent la changer ou la faire disparaitre tant elle éclipsait la gloire de leurs héros. Voici l'une des versions que je connais mais peut-être en avez-vous entendu une autre : soyez libre de la partager avec nous afin de donner modèle à nos peuples pour les guerres à venir!
Selon ce témoignage, le Gorlak Sans Nom serait né plusieurs générations après la fin de la Horde primitive, la tribu des Mille guerriers que le Sombre Prince conçu pour apprendre le courage aux civilisations de ce temps. Pendant longtemps la Horde Primitive domina les terres de Teilia avant que des braves leur fissent face pour leur apporter la mort salvatrice qui conduit aux Royaumes Divins.
Les descendants des Gorlaks Originels ne déméritèrent point de la gloire de leurs pères et on les vit combattre la première Alliance des Peuples et les armées de la Source de Toute Chose de concert. Ils en sortirent vainqueurs et si nombre d'entre eux tombèrent, la Guerre Sainte gagna en combattants féroces prêts à défendre le Mortulum des conspirations de Kaija la Traitresse à sa Race.
Par l'intermédiaire d'Adjiräal la Première des Nargoliths peu de temps avant qu'elle ne rencontre son destin, le peuple Gorlak reçu de son créateur le Prince aux Mille Desseins grand nombre d'artefacts. Afin de les défendre de l'avidité et la jalousie des nations de ce temps, les Fils de Narshoul se séparèrent en tribus, n'ayant de relations entre elles qu'en des moments de célébrations sacrées organisées par les Élus du Sombre.
Toutes firent honneur à leurs ancêtres, à l'exception d'une seule dont le nom couvert de honte n'a pas à être mentionné. Cette tribu pitoyable se détourna de la mission du Saint Père et s'installa dans le creux d'une montagne afin de se cacher aux yeux de tous. Les créatures qui la composaient, et qui ne peuvent être nommés Gorlaks tant elles en étaient différentes, vivaient d'agriculture et abandonnant l'art de la chasse se contentaient de fruits si bien qu'elles en perdaient leurs dents et devenaient craintifs de tout.
L'on a peine à imaginer que de toutes les tribus issues de la Horde primitive, le Prince puisse choisir pour le plus grand des héros de notre monde celle-ci. Mais Ses desseins sont nombreux et si l'on ne peut les comprendre mieux vaut se taire et y réfléchir d'avantage.
Un paysan de cette nouvelle race si éloignée des Gorlaks fut appelé par le prêtre de cette tribu dans sa maison pouilleuse et mal fichue, car sa femelle venait de donner naissance à un être qu'aucun n'avait jamais vu : un enfant gorlak d'une incroyable musculature et aux crocs acérés. Selon une tradition qu'il reproduisait sans en comprendre le sens, le prêtre de cette race aujourd'hui disparue demande au père de notre futur héros s'il souhaite sacrifier une brebis pour son fils et le recouvrir de ce sang, ou bien l'abandonner et le laisser mourir et servir de terreau aux champs qu'il cultive.
Le père hésite longuement : il n'a jamais vu un enfant de cette apparence et craint fort que cela lui porte préjudice aux yeux de sa misérable tribu. Il finit par y consentir, car de tels muscles pourraient être très utiles pour labourer la terre et faire pousser les carottes dont son peuple est si friand. Il croit aussi naïvement qu'une vie a manger des choux et boire de la soupe suffira a faire perdre à cet enfant ses si beaux crocs.
Le prêtre de cette race, au service d'une déité de si peu de fierté que l'on pourrait la supposer être Dissipastar s'il avait en ce temps accompli le forfait qui le jeta du Mortulum, demande au père une brebis et d'une lame mal-aiguisée - a quoi sert une arme dans une tribu de mangeurs de légumes? - lui ouvre le ventre et en vide les boyaux et le sang sur le corps du nouveau-né. Celui-ci, au gout du si savoureux liquide, ouvre goulument la bouche et avale l'offrande sans hésitation et avec tant de plaisir qu'il n'en reste rien! Le prêtre comme le père demeurent sans voix car jamais ils n'ont vu un enfant réagir ainsi, eux qui n'avaient plus rien de Gorlak depuis des générations!
Le prêtre ne sait comment réagir, et consulte quelque ouvrage ancien. Sa lecture lui apprend qu'aussi longtemps que l'enfant n'est couvert de sang et de boyaux il lui faut faire offrande d'autres brebis! Le père hésite de nouveau car c'est d'un fermier ou d'un berger qu'il a besoin, pas d'un guerrier - si encore ce mot existait dans son peuple si éloigné des valeurs du Sombre ! De mauvais cœur, il accepte de laisser à son fils une seconde chance et apporte un autre animal au prêtre. Ce dernier l'éventre aussitôt et en vide les boyaux et le sang sur le corps du nouveau-né, qui une nouvelle fois s'en nourrit avec délectation sous les yeux horrifiés de son géniteur!
Cette fois, il n'est pas question de sacrifier une troisième brebis à cet enfant au si grand appétit! Il est si vorace que son père pourrait en perdre son troupeau, et que la moitié des champs de cette misérable tribu risquerait de lui être consacré pour le nourrir et encore, s'il accepte autre chose que de la viande!
D'un commun accord, le père et le prêtre décident donc d'abandonner l'enfant, ce qui jamais n'est arrivé depuis que cette race pitoyable s'est installée au creux de cette montagne pour s'y cacher. On ne sait trop qu'en faire, et on le jette dans un coin où l'on n'entend pas ses hurlements menaçants.
Le père croit l'affaire résolue, et espère que ses camarades ne se moqueront pas de lui dont la femelle a donné naissance à un guerrier! Pour oublier l'histoire, il rassemble ses brebis afin de les faire paître car il n'y a pas de plus noble tâche dans cette misérable tribu que celles que tous les peuples guerriers considèrent comme basses et insultantes. Mais il a beau faire, ses brebis ne veulent le suivre et toutes ensemble se rendent là où l'enfant fût abandonné. Alors qu'elles l'entourent, voila que l'une d'elles donne un violent coup de dents au ventre de sa voisine! Sang et boyaux coulent en abondance, et l'enfant accueille volontiers ce don mais n'en est pour autant rassasié. Une seconde brebis lui offre ses entrailles, puis une troisième, puis dix, puis vingt, tant et si bien que le troupeau ne compte plus une seule tête!
De colère d'avoir perdu son bien, le père prend l'enfant par les pieds et songe à lui fracasser le crâne sur un rocher. Il y songe, mais prend trop de temps, et son fils plante les crocs à sa gorge et commence à le dévorer mais en recrache bien vite le contenu si infâme.
Voila que les autres paysans terrifiés se rassemblent et sur notre jeune héros lancent des pierres dans l'espoir de le lapider! Bien mal leur en prend car alors que le premier projectile claque au sol, le ciel soudain s'assombrit et la pluie se déverse sur ce village misérable caché au creux de la montagne. En peu de temps, toutes les cultures sont ruinées et cette race pitoyable se lamente et supplie leur déité de les épargner. Mais ils ne s'adressent à la bonne personne, et la pluie par torrents continue a tomber et la terre s'en gorge tant qu'elle ne peut plus recevoir le divin présent. Le prêtre se dresse et lève les mains au ciel en signe de soumission : la foudre lui répond et le transforme en cendres. Les villageois de terreur s'enfuient dans leurs maisons pouilleuses et mal fichues, mais l'eau monte et monte si bien qu'ils en sont contraints de se rendre sur leurs toits pour ne pas être noyés.
Mais ils ne peuvent éviter le châtiment du Prince, qui à cette tribu autrefois estimable venait d'offrir une dernière chance de se racheter à Ses yeux. La peau déchirée et traversée par chaque goutte tombée des nuages, les villageois voient l'eau monter encore et encore, portant au sommet de ses vagues l'enfant qu'ils n'avaient sût accueillir.
Du village au creux de la montagne où le Gorlak Sans Nom est né, il ne reste aujourd'hui plus qu'un lac immense, témoignage de la colère du Sombre Cilia contre ceux de Ses enfants se détournant de la mission qu'Il leur a donné.
Qu'advint-il du jeune Gorlak après cet évènement me demanderiez-vous? Là encore les récits divergent et ma version vaut toutes celles que vous avez pu entendre et que vous voudriez partager avec nous : Un Elu de Narshoul du nom de Garkah quelques semaines avant ces évènements quittait la grotte qu'il habitait sans donner de raisons à sa tribu qui pourtant avait grand besoin de lui, et c'est par hasard qu'il se trouva au sommet de cette montagne lorsque le déluge commença sur le village. Lorsque la pluie cessa, il n'eut plus qu'à se pencher pour ramasser l'enfant."