Beaucoup de temps était passé… Peut être trop…
Il faisait nuit, le ciel était vide de tout nuages et l’on pouvait voir toute les constellations, toutes les étoiles de l’univers scintiller. Une douce brise venait caresser la forêt, émettant un gracieux murmure. Les yeux rivés vers ce ciel, le visage embrassé par ce souffle, il était assis, là au milieu d’une clairière. Ses billes ternes étaient aussi grises qu’elles ne le furent, et sa pupille était le sang. Un mince sourire se dessinait à mesure que la nuit passait sur le visage du Gorlak, laissant entrapercevoir ses crocs plus pointus que jamais.
La lune disparaissait lentement, son cortège d’étoiles avec. Abaissant le regard, effaçant ce sourire béat de son visage, la bête se leva. D’un geste las elle mit sa capuche sur sa tête, l’on n’apercevait maintenant que ses vêtements déchirés à de multiples endroits et ses mains, porteuses de centaines et centaines de cicatrices. Maintenant prêt, il s’avança dans le bois. Après quelques instants il s’abaissa pour ramasser une petite bûche qui semblait avoir été travaillée et déposée ici soigneusement : son bâton, au bout duquel se trouvait une petite bourse dans laquelle il piocha une pomme. Ses mouvements étaient lourds et ses pas rompus, il s’engouffrait dans la forêt mais semblait savoir exactement où il se dirigeait.
Il maintint la marche, jusqu’à ce que le soleil laisse place à l’astre de la nuit, création du Père. Il s’assit dans une position familière, celle où nous l’avions trouvé. Il ôta sa capuche, levant de nouveau son regard vers le ciel. La lune était visible, comme à toute les nuits depuis son départ, seules les étoiles avaient décidé de ne pas montrer leur étincelantes lumière. L’astre unique n’en avait que plus de beauté, il était le seul à illuminer la nuit, le seul. Ses traits de lumière rougeâtres effleuraient la figure du Gorlak, il ferma alors les yeux.
Dans ce que nous pourrions appeler sommeil, il ne trouvait pas de repos. Son esprit s’élevait sous l’éclat grenat, il vivait endormi. Dans cet autre monde, cet univers de rêves et de fantaisies, Gralag, lui, ne voyait qu’horreur et désespoir et semblait s’en ravir. Il découvrait des images qui n’avaient aucun sens propre, aucune notion fondée et il marchait sans s’arrêter, comme il l’avait fait plus tôt dans la journée, à travers ses pensées perturbées. A peine ce qui lui semblait quelques minutes passée dans cet au-delà, il fut réveillé par la lumière du Soleil, déjà haut dans le ciel. Le même rituel, la même lassitude dans les mouvements, le Gorlak était de nouveau encapuchonné, bâton à la main, marchant dans une direction fixe.
« Il est temps… » Pensait-il à voix haute. Le ton de sa voix était rauque, bien différent de ce qu’il était, il provenait du fin fond de sa gorge, comme s’il se raclait celle-ci à chaque mot. La nuit tombait, encore. Il bu quelques gorgées prêt d’une rivière, continuant, cette nuit là, à marcher. Il tremblait légèrement, de fatigue, peut être. « Il est temps… » se répétait-il, marchant à travers broussailles. Au loin, il la voyait, la belle et grande, la seule et unique Citée Sainte, ses tremblements s’étaient arrêtés, il fronça les sourcils et continua à marcher…Sous peu il sera probablement là.
Beaucoup de temps était passé… Peut être trop…