Je marque un temps d’arrêt pour mieux contempler la horde de mes frères balayer les défenses du fortin margolin et se ruer à l’intérieur du campement. Le bastion isolé n’a guère pu contenir l’assaut de la meute déchaînée malgré l’étendue de ses défenses et le nombre incalculable de défenseurs. Profitant de la diversion offerte par le combat acharné, je m’infiltre avec discrétion et rapidité vers les bâtiments. Plusieurs guerriers ennemis croisent ma route à travers les couloirs encore épargnés par les combats. Tirant ma dernière flèche sur le premier, je brise l’échine des autres sans même ralentir le pas.
Les cris à l’extérieur s’estompent tandis que je m’enfonce dans les corridors. Le plan des installations obtenu par le traître que j’ai infiltré dans le fort se révèle juste. Je trouve la chambre. Elle n’est ni gardée, ni piégée. Les margolins sont des sots ignorants. La femelle est là, assise bien droite en silence, comme si elle s’attendait à ma visite. Je hume l’air chargé de son odeur infect, un rictus sur les traits. Qu’importe ma grimace, elle ne la verra pas. Mon commanditaire avait donc raison quand il affirmait qu’elle appartenait à un clan de sorcières Nargolithe qui se brûlaient elles-mêmes les yeux. Malgré ses horribles cicatrices, ses tatouages rituels sur le crâne et ses cheveux tressés en entrelacs complexes, elle ne manque pas de charme et ses courbes séduisantes ne sont pas pour me déplaire.
- Tu sens le sang, Gorlak, déclara-t-elle d’une voix posée. Mais pas suffisamment pour être un guerrier.
Son ton, plus que sa remarque pertinente, me trouble. Je grogne et la soulève brusquement. Elle ne se débat pas tandis que je passe un collier attaché a une laisse autour de son cou avant de la tirer hors de la salle. Son pas est léger et habile pour une aveugle. Elle me déplait. Elle n’éprouve pas de peur comme les autres. Je hais cela.
La bataille est quasiment terminée dehors. Les habitations sont en feu et les Gorlaks pourchassent les survivants pour les exterminer. Le capitaine m’aperçoit de loin et me coupe la route alors que je part pour ramener la femme a son propriétaire.
-Tes renseignements étaient justes, m'harangua-t-il. L'or des margolins est à nous. Ce fortin est à nous. Le clan est victorieux et puissant. Volerais-tu le clan, en essayant de t’éclipser avec cette femme ?
- Considère cette femelle comme ma part.
- Tu crois pouvoir me manipuler ?! éructa le capitaine Gorlak qui venait de comprendre pourquoi je l'avais informé sur ce bastion margolin.
- Tu m’insultes…marmonnai-je, furieux. Tu la veux ? Mérite-la.
Le défi lancé déclenche une vague de grognements parmi la foule de guerriers. Mon adversaire quand a lui beugle de rage et saisit son cimeterre. N’ayant plus de flèche, je dégaine ma lame courte, en lâchant la laisse, puis recule d’un bon. Il est fort et aguerri. Mais ce n’est qu’une brute sans cervelle comme ceux qu’il dirige. Mes feintes de corps le déstabilisent. Il ne s’est jamais battu que contre d’autres rustres de son acabit. Et meurt sans comprendre, transpercé par la botte que j’ai volée à l’art de guerre Nargolithe. Mon hurlement de rage écarte ses sbires silencieux de mon passage. Je pars avant que ne débute la tuerie pour désigner un nouveau chef.
- Dois-je louer ta victoire ou la craindre à présent que tu m’as gagnée face à ce monstre ? demanda la femelle de son ton étrangement serein.
- Il t’aurait torturée, ravagée et tuée avant la prochaine lune, rétorquai-je en imitant son calme. Je ne connaissais que trop bien ses habitudes. C’était mon frère.
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Une semaine à chevaucher avec cette femelle en fardeau et mes nerfs sont à fleur de peau. Elle est différente, impénétrable, troublante. D’autres auraient supplié, marchandé, auraient tenté de s’enfuir voire de m’agresser. Elle se contente de me suivre et de m’obéir en silence, son visage impassible jamais trahi par quelque angoisse. Si elle n’était pas aveugle, je jurerai qu’elle ne cesse de m’observer. Elle sent et sait que je ne parviens pas à la contrôler. Elle ressent ma nervosité et me laisse le deviner sans parler. Elle doit connaître le sort que je lui promets en la livrant à mon employeur. Et semble s’en moquer. Maudite sorcière.
Traverser les terres hastanes avec une captive n’améliore en rien mon anxiété. Nous attirons les regards, pour mieux les faire fuir aussitôt après un de mes rictus peu engageants à l’allure de possédée. Un jouvenceau tenta une fois de la délivrer. Elle eut un rire frais de petite fille lorsque ma flèche atteignit l’entre-jambe de ce jeune puceau. Quand je l’interrogeai le soir, elle m’avoua à demi-mot ne pas craindre ma compagnie ou le but de ce voyage. Son clan était celui de prophétesses censées lire dans les méandres brumeux de l’avenir. De ce fait, elle m’assura qu’elle connaissait déjà nos lendemains. A mon tour de lui rire au nez… bien que je la croie dur comme fer. Mon employeur n’aurait pas fixé pareille somme pour l’obtenir sans quelque don particulier. Le rendez vous avait été fixé a Tyrimar, une cité ou se trouve toute sorte de race, parfait pour un Gorlak comme moi.
- Cette taverne, murmura-t-elle pour la première fois depuis deux jours, une fois parvenus à destination. De nombreuses personnes vont y mourir.
- On évitera donc de commander le menu du jour, rétorquai-je en me demandant si elle avait deviné qu’il s’agissait du lieu de son échange.
- Tu ne crois pas en mon don, déclara-t-elle de sa voix douce tandis que je la descendais de sa monture d’une seule main.
- A présent que j’ai froissé ton amour-propre, autant te livrer le fond de ma pensée : je pense que tu es folle.
Elle sourit et me suit docilement à l’intérieur de l’auberge bondée. Bénis soient Odéon d’avoir fait les Hastanes si frêles et si aisés à écarter des routes des Gorlaks. Nous nous asseyons à l’écart. Mon employeur se fait attendre et je déteste attendre. Je tue le temps en rudoyant et effrayant une serveuse rousse venue prendre notre commande. Je commence à affuter la pointe de mes flèches après avoir broyé ma troisième chopine. Mon instinct me pousse à partir mais je reste. Ma captive parait aussi nerveuse que moi et cette vision stupéfiante me fige sur place. Jusqu’à ce que l’auberge se change en enfer. J’ai vu mille feux avant, mais aucun comme celui-ci. Les flammes semblent dotées d’une vie propre et fauchent la foule comme un prédateur abat une proie. Les esquiver et me frayer un chemin à coups de sabre jusqu’à la sortie en traînant mon otage dans mon sillage n’est pas un exercice ardu quand on sait conserver son calme. Malheureusement, la fumée et les cris voilent à mes sens l’effondrement du plafond dévasté. Un pilier s’abat dans mon dos et je sombre. Avais-je rêvé en sentant la main de la sorcière lâcher la mienne une seconde avant ?
J’émerge dans le carcan de douleur qu’est mon corps meurtri. Je grogne. Donc je vis. Je mords ma langue jusqu’au sang pour surmonter la souffrance et m’extirper des décombres qui m’écrasent. J’envoie les débris voler alentour en surgissant à l’air libre. Ma vue est brouillée. Je fais quelques pas avant de m’écrouler. Qu’importe, je vivrai. Le sang troll, héritage lointain de ma famille et qui coule dans mes veines, soignera mes blessures. Je ne peux pas encore mourir. Cette garce d’humaine s’est envolée, bien vivante.
Et en plus, je n’ai pas encore été payé…
Je suis Hark le chasseur, et je connais ma proie…
Nom : Hark
Age : 21 ans
Physique : Athlétique, plus grand que la moyenne gorlak. Il a des muscles saillants mais pas aussi proéminant que le reste de sa race.
Famille : inconnu